vendredi 22 janvier 2010

Jeux d'écriture : Le QG de mon enfance

J’ai découvert très récemment sur le blog à 1000 mains un joli p'tit jeu d’écriture où il faut laisser libre court à son imagination à partir d’une photo. Je tente l'aventure :)

Voici mon essai : Le QG de mon enfance

Je ne manque jamais de faire un tour de quartier à chacun de mes retour à Casablanca, la ville de mon enfance... Ce matin n'allait pas être différent... je me suis levée très tôt, les yeux grands ouverts et pourtant, il est à peine 6h30 du matin. J'aurais dû traîner encore dans mon lit... hier, l'avion, le trajet jusqu'à chez les parents... les retrouvailles... avaient bien entamé ma nuit.

Le soleil n'est pas tout à fait levé... tout est calme... à peine le bruit des chats qui se disputent encore un reste de fruit dans la poubelle du café... il faudra patienter 45 minutes encore avant que la rue commence à s'animer.

Nous ne sommes qu'en Octobre, il fait un peu frais pour la saison ici... mais la météo promet des journées plus ensoleillées et plus une seule averse pour les 3 jours à venir

Baskets aux pieds et mains dans les poches, je m'en vais doucement marcher dans les rues de mon enfances, encore mouillées de l'averse de cette nuit. La pluie ici est une vraie bénédiction. Elle est toujours bien accueillie, personne n'aurait l'idée de s'en plaindre, ce serait offenser tous ceux qui connaissent de près ou de loin, les agriculteurs de la région.

Il y a l'épicerie au coin de la rue, pas encore ouverte, mais les bottes de menthe sont déjà livrées au pied du rideau baissé... je remonte la rue perpendiculaire à ma droite et retrouve un peu plus loin la mini galerie des artisans couturiers, toutes lumières éteintes... et encore au coin, les caisses en bois du maraîcher, des restes de salade coincés entre les lattes de l'une des caisse du dessus.

Je suis venue chez lui des centaines de fois chercher les tomates les plus fraîches, marchander le prix des carottes aux prix extravagant de 16 centimes de Dirham le kilo, le maraîcher qui me connaissais avec ma tignasse de jackson five, mes tongs fluo au pieds, envoyée par maman avec les recommandations habituelles... toujours demander les meilleurs légumes... même s'il rouspète, ce qu'il ne manque jamais de faire d'ailleurs et qui est devenu un jeu au bout du compte...

Un peu plus loin en remontant la rue à ma gauche, il y a la supérette trop chère à l'époque pour le budget de maman... qui nous y envoyait juste les jours fériés acheter le pain qui a eu 100 fois le temps de sécher et de perdre son goût pour 50 centimes de trop

Je passe ensuite par le square du quartier... un mini parc vert avec un terrain de tennis, un café, un carré de piste pour les joueurs de pétanque... et les nombreux bancs en fer forgé sous les platanes.
Je souris en pensant que toute petite, je n'avais pas le droit de venir ici, j'ai commencé à braver l'interdit au collègue, quand je venais y traîner avec mes copines de l'époque... et ensuite avec mon amoureux de lycée...

Mon petit tour m'emmène un peu plus haut dans le quartier, vers la rue du four. Ce vieux four à bois qui fait le coin, avec sa petite porte toute sombre et le tas de bûches de bois qui attendent moitié dehors moitié dans la fausse pièce garage. Toutes les ménagères viennent encore y cuire leur pain, porté sur la tête ou à bout de bras dans des grandes lattes en fer ou en bois. Bientôt l'odeur du pain chaud emplira la petite place et on pourra voir ces ménagères s'impatienter dans la file d'attente pour tout le retard qu'elles accumulent à attendre que leur pain cuise.

J'aime bien le chemin du retour vers chez mes parents, par la grande rue qui descend... on peut voir tout au bout les palmiers de ma rue, et ceux de la grande place de la gare.
Je dépasse le petit club de karaté où j'allais petite, j'ai eu ma photo sur sa devanture pendant des années... le pied suspendu en l'air, en position d'attaque... qu'est ce que j'ai pu frimer devant mes copines avec cette photo... et un peu plus loin, je dépasse le stand du boucher, qui à ses débuts était le meilleur, mais qui s'est fâché avec toute la famille parce qu'il avait pris la grosse tête... je me rends compte que je disais la même chose, sans trop me poser de questions, en répétant le jugement sans appel de maman.

De retour dans ma rue, c'est déjà l'heure : le boulanger a levé son rideau, et à son habitude a traîné son vieux tablier blanc jusqu'au café du coin. Assis sur une chaise, le café posé sur le rebord de la haie, il est déjà en grande discussion avec le serveur... qui tient son vieux balai dans la main, s'acharnant comme tous les matins, à enlever les quelques feuilles mortes échappées à sa vigilance de la veille. Cette haie qui sert aussi à délimiter la terrasse du café a toujours été son ennemi...

Mais si lui se plaignait de tout le temps qu'il perdait à en enlever les mégots clandestins et les emballages de sucres abandonnés par les clients ; les vieux du quartier eux aimaient prendre place tout au bout de la terrasse, juste au bord de la haie, y traîner des heures et suivre les allées et venues de tous les habitants, en spéculant sur les nouveaux ragots qu'ils ne manquaient pas de lancer, qui naissaient autour de leur tasse de café...

Il n'a pas eu le temps de beaucoup s'activer, occupé qu'il est entre ses feuilles mortes et le bavardage du boulanger, il n'a eu le temps de ne sortir que deux tables... les autres sont encore empilées l'une sur l'autre, à l'intérieur... je les aperçois derrière la baie vitrée du café...

Du plus loin que je me souvienne, ce sont toujours les mêmes tables rondes, avec le rebord en métal réfléchissant, trop petites pour y poser autre chose qu'une tasse de café ou un plateau individuel de thé à la menthe... les chaises elles ont l'air très récentes, en squelette métallisé et à l'assise en plastique tressé... ils ont dû enfin se débarrasser de leurs vielles chaises de jardin, tout en plastique, qu'ils avaient l'habitude d'empiler les unes sur les autres à l'heure de la fermeture, je me souviens que cela faisait des piles très instables penchant dangereusement vers la rue... elles n'avaient pas gardé longtemps leur blanc de départ... je me souviens surtout d'un vieux gris avec des tâches un peu plus claires là où le plastique s'écaillait.
et qu'est ce qu'il pouvait faire comme bruit le serveur, en les empilant... ça faisait râler tous les voisins.

Je sens l'odeur des pains au chocolat en revenant vers chez moi... le soleil n'est pas encore au RDV, il y a un reste de nuages qui colle au ciel... je respire longtemps dans la rue encore très calme, mais plus pour longtemps. Les camions de livraison vont bientôt faire vibrer les fenêtres de ses vieux immeubles, et le vendeur d'eau de javel au litre viendra hurler traînant son âne et sa charrette derrière lui... réveillant tous ceux qui pensaient faire une grasse matinée.

Je me promets de refaire un tour avant de repartir... pour m'imprégner une dernière fois des couleurs de mon quartier... avant de repartir vers le monde souterrain des métros parisiens.

^_^

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